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La Claque
31 mai 2016

La blague du consensus social

Appréciée maintenant quant à la méthode proprement dite, objet spécial de cet article, cette conception élémentaire du consensus social a pour destination essentielle de déterminer immédiatement avec une autorité et une spontanéité remarquables, l'un des principaux caractères de la méthode sociologique, celui de tous peut-être suivant lequel elle modifie le plus intimement, d'après la nature des phénomènes correspondans, l'ensemble de la méthode positive. En effet, puisque les phénomènes sociaux sont ainsi profondément connexes, leur étude réelle ne saurait donc être jamais rationnellement séparée; d'où résulte l'obligation permanente, aussi irrécusable que directe, de considérer toujours simultanément les divers aspects sociaux, soit en statique sociale, soit, par suite, en dynamique. Chacun d'eux peut, sans doute, devenir isolément le sujet préliminaire d'observations propres, et il faut bien qu'il en soit ainsi, à un certain degré, pour alimenter la science de matériaux convenables. Mais cette nécessité préalable ne s'applique même, en parfaite rigueur, qu'à la seule époque actuelle, où il s'agit de la première ébauche de la science, forcée d'employer d'abord, avec les précautions indispensables, les incohérentes observations qui ont dû résulter, à toute autre intention, des irrationnelles recherches antérieures. Quand la fondation de la science sera suffisamment avancée, la co-relation fondamentale des phénomènes servira, sans doute, de principal guide habituel dans leur exploration directe, comme je l'expliquerai spécialement ci-dessous. En tous cas, abstraction faite ici du mode propre d'observation immédiate, il est incontestable que, d'après cette solidarité nécessaire qui caractérise un tel sujet, aucun phénomène social, préalablement exploré par un moyen quelconque, ne saurait être utilement introduit dans la science tant qu'il reste conçu d'une manière isolée: et cela non-seulement sous le point de vue statique, où l'harmonie sociale est toujours directement considérée, mais aussi dans l'étude même du mouvement social, où le consensus, pour être moins immédiat, n'est pas, en réalité, moins prépondérant, ainsi que nous allons le reconnaître. Toute étude isolée des divers élémens sociaux est donc, par la nature de la science, profondément irrationnelle, et doit demeurer essentiellement stérile, à l'exemple de notre économie politique, fût-elle même mieux cultivée. Ceux donc qui s'efforcent aujourd'hui de dépecer encore davantage le système des études sociales, par une aveugle imitation du morcellement méthodique propre aux sciences inorganiques, tombent donc involontairement dans cette aberration capitale d'envisager comme un moyen essentiel de perfectionnement philosophique une disposition intellectuelle radicalement antipathique aux conditions fondamentales d'un tel sujet. Sans doute, la science sociale pourra être un jour rationnellement subdivisée avec utilité, à un certain degré: mais nous ne pouvons nullement savoir aujourd'hui en quoi consistera cette division ultérieure, puisque son vrai principe ne doit résulter que du développement graduel de la science, laquelle ne saurait certainement être fondée maintenant que d'après une étude d'ensemble; j'ai déjà prouvé ci-dessus, qu'il y aurait même un vrai danger philosophique à vouloir, dès ce moment, réaliser, à titre de décomposition permanente du travail, la distinction indispensable entre l'état statique et l'état dynamique, malgré son évidente rationnalité et son usage continu. A un âge quelconque de cette science, les recherches partielles qui pourront lui devenir nécessaires ne sauraient être convenablement indiquées et conçues que d'après les progrès de l'étude intégrale, qui signaleront spontanément les points spéciaux dont l'éclaircissement propre peut réellement concourir au perfectionnement direct du sujet. Suivant toute autre marche, on n'obtiendrait essentiellement qu'un stérile encombrement d'irrationnelles discussions spéciales, mal instituées et plus mal poursuivies, bien plutôt destiné à entraver radicalement la formation de la vraie philosophie politique qu'à lui préparer d'utiles matériaux, comme on le voit de nos jours. Il est donc incontestable que des conceptions et des études d'ensemble peuvent seules convenablement concourir aujourd'hui à la fondation directe de la sociologie positive, soit statique, soit dynamique; et que les travaux y doivent ensuite descendre graduellement à une spécialité croissante, en considérant toujours l'étude des élémens comme essentiellement dominée par celle du système, dont la notion générale de plus en plus nette devra continuellement fournir le principal éclaircissement de chaque aspect partiel, sauf d'inévitables réactions secondaires. On ne saurait nier que l'impérieuse obligation philosophique de suivre une telle marche, en vertu de la solidarité caractéristique de tous les phénomènes sociaux, n'augmente gravement les difficultés fondamentales que l'extrême complication du sujet doit déjà tant apporter à la culture rationnelle de cette nouvelle science naturelle, en y exigeant habituellement une contention intellectuelle plus intense et plus soutenue, pour ne laisser fuir ou s'effacer aucun des nombreux aspects simultanés qu'il y faudra nécessairement embrasser toujours. Mais cette condition est si évidemment prescrite par l'esprit de la science, qu'on n'y saurait voir qu'un puissant motif de plus de réserver exclusivement cette étude vraiment transcendante aux plus hautes intelligences scientifiques, mieux préparées que toutes les autres, par une sage et forte éducation, à supporter la continuité des plus grands efforts spéculatifs, et s'appliquant même sans relâche, plus scrupuleusement qu'en aucun cas, à seconder habituellement leur essor rationnel par une plus parfaite subordination des passions à la raison. Chacun peut aisément juger ainsi combien, à tous égards, les dispositions, soit intellectuelles, soit morales, qui prédominent aujourd'hui, et qui sont même quelquefois systématiquement préconisées, se trouvent radicalement contraires à l'accomplissement réel de la grande opération philosophique maintenant destinée à servir de base indispensable à la réorganisation sociale des peuples modernes; en sorte qu'il semblerait que plus le but est difficile à atteindre, moins on s'y prépare dignement. Il n'est point douteux qu'une aussi déplorable discordance entre les moyens et la fin ne doive contribuer beaucoup, quoique d'une manière indirecte, à la prolongation spontanée de la perturbation sociale, dont le vrai principe est essentiellement intellectuel, comme je crois l'avoir déjà presque surabondamment démontré.

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La Claque
  • La claque, c'est celle que je prends chaque jour à la fin de la journée alors que j'en fais le bilan et que je me dis que j'ai vraiment passé une bonne journée. Pourquoi ? Parce ce que je vis, tout simplement.
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